Vladimir Kozlov, auteur punk, détecte une histoire et la raconte dans le langage approprié, en lui trouvant une cadence et une logique sans se soucier de faire oeuvre morale ou sociologique, ni de la tarte à la crème des imbéciles : le " style ".
Il sait que le style vient tout seul quand on prend sa guitare avec une section rythmique.
Il n'a pas été cherche l'histoire de "Racailles " bien loin, grandi dans une cité prolétaire du ouest de la Russie le bout de la route, àune époque de doutes et d'espoirs absurdes : la " perestroïka ".
Il raconte cette histoire sans lumière et sans rêves, cette histoire de brutes dans une langue de brute. L'extrême poésie de son récit vient des variations infimes d'un argot rabâché, quotidien, ou les mots les plus usés ont valeur de talisman, renfermant des symboles auxquels il vaut mieux faire gaffe si on veut pas s'en prendre une. Cette charge de réel insiste jusqu'au " son crasseux " rock'n'roll - chaque mot, banal et/ou ordurier scande une ferraille sublime.
Son épopée bas-du-front dans les ghettos soviétiques martele ainsi ses riffs de cruauté ordinaire et de révolte sans cause.
D'autre part Vladimir Kozlov est loin d'être un con, traducteur et journaliste économique, publiant régulièrement des articles dans des revues américaines spécialisées. Outre ces aptitudes, il a l'intelligence de ceux qui ont su se frayer un chemin, malgré ce handicap de culture et de matière grise, dans les profondeurs de la haine et de l'abrutissement, " la guerre de tous contre tous " des cités de l'interminable banlieue planétaire où on morfle tous les jours.
Un homme d'honneur.

Thierry Marignac